Février 1972, les cachots de Poudlard

« Tiens, Desdémone. » Dit-elle d’un ton chaleureux, elle lui offrit son plus doux sourire, tendant un mouchoir en tissus sur lequel on pouvait voir brodé en lettre d’or ses initiales, SF. Aussitôt, sa camarade qui n’arrêtait pas de renifler s’en empara. « Oh berci, Dolange. C’est braiment symba de ta part. » C’était une pitoyable poufsouffle, une née moldue, affreusement laide. Elle se moucha bruyamment, sous le regard furieux du professeur de potion. Aussitôt, on vu germer sur son visage un tas de furoncle, complétant la jolie collection de boutons d’acné qu’elle avait déjà. « Oh mon dieu… » S’écria sa voisine de gauche en la regardant. Desdémone, affolée, toucha son visage comprenant ce qui était en train de lui arriver. Elle fondit alors en larme et se précipita hors de la classe, sans doute pour rejoindre l’infirmerie. Des Serpentards hilares regardaient la petite blaireau fuir, et quelques regards se tournèrent vers Solange. Une grimace ironique s’était dressée sur son visage, elle peinait à retenir son rire alors que la camarade de sa victime était en train de la fusiller du regard. « Oups, dit elle d’un air faussement coupable, c’est vrai que je l'avais utilisé pour essuyer mon chaudron tout à l’heure, il devait rester quelques épines de porc épic dessus. »
Contrairement à ce que son prénom pouvait bien indiquer, à tort, elle n’avait rien d’un ange, c’était plutôt un petit démon. On aimait Solange comme on s’en méfiait : elle était une bonne camarade, drôle et vivante, mais elle aimait amuser son monde en rabaissant les autres. Elle était moqueuse, une jeune fille au franc parlé qui était capable de vous détruire en quelques coups de langue de vipère, et son venin était des plus immondes. Elle avait une certaine influence sur ses camarades Serpentard si bien que ses moqueries faisaient rapidement le tour de Poudlard, ainsi Desdémone Davies était devenue Miss Furoncle pour le reste de sa scolarité.

Solange n’avait pas toujours exercé un tel pouvoir à Poudlard, en effet, il fut un temps où elle fut une de ces gamines qu’elle aimait pourtant martyriser.
A son arrivée dans l’école de magie, la petite Fawley était une jeune sorcière encore sur son petit nuage, elle avait passé les premières années de sa vie au côté de ses parents et de son frère et sa sœur qui n’avaient qu’un mot à la bouche : « sang-pur ». On lui avait rabâché, jour après jour qu’elle était héritière d’une dynastie de grands sorciers et que son sang était plus noble que tout autre. Et puis, tout le monde était unanime là-dessus : elle était incroyablement douée pour son jeune âge, réalisait toute sorte de sortilèges compliqués et avait une capacité de mémorisation impressionnante. Si bien qu’elle figurait toujours parmi les meilleures de sa classe. Tout cela avait suffit à faire de Solange une personne parfaitement détestable : imbue d’elle-même et avec des chevilles énormes. Et ça, à vrai dire, cela ne passait pas, même au sein de sa propre maison. C’était d’abord cette camarade qui avait inventé un jeu qui consistait à faire des bruits d’animaux dès que Solange était interrogée par un professeur, ce qui se produisait au moins une dizaine de fois par cours. Et puis un jour un de ses enseignants qui n’entendait même plus la voix de Solange par-dessus tous ces bruits, cru que c’était elle qui les produisait. Il s’était alors énervé et s’était écrié : « Eh bien, miss Fawley ! Cela vous amuse de prendre la parole pour faire ces bruits de cochon ? C'est insultant ! Dix points en moins pour Serpentard ! » Tout le monde lui en avait voulu, bien qu’on sache pertinemment bien que ce n’était pas de sa faute, et on s’était mise à l’appeler « porcinet. » Un surnom qui lui colla au dos longtemps, et même quelques Gryffondors l’avaient adopté.
L’autre surnom dont on l’affubla fut celui de « princesse grosse tête », déjà parce qu’elle remettait constamment sur le plat ses origines sang-pur et les deux grandes familles dont elle était héritière. Mais aussi parce qu’un jour, alors qu’elle était une nouvelle fois en train de mettre en avant la noblesse de son sang, un Gryffondor lui lança un maléfice qui fit gonfler sa tête, elle était devenue tellement énorme qu’elle mit au moins trois semaines à retrouver une taille normale.

Heureusement, Solange Fawley avait le cours de la potion pour la sauver. C’était la matière dans laquelle elle excellait le plus, et cela n’avait pas forcément de rapport avec son professeur, Horace Slughorn, qui était un parent éloigné, car aucun traitement de faveur ne lui était fait. Le potioniste, avide de collectionner ses élèves bijoux, lui proposa d’intégrer son fameux « club de Slug. » Un honneur pour la jeune Fawley qui accepta tout de suite, Horace lui reconnaissait une fibre incontestable pour l’art du chaudron et aimait mettre cela sur le dos de sa parenté avec les Slughorn.
Elle intégra le club au cours de sa troisième année, fin 1970. Nombreux Serpentards étaient conviés aux réceptions du professeur de potion, et cela permit à Solange de se rapprocher de plusieurs élèves de bonne influence, notamment plus âgés qu’elle. Ainsi, la côte de la demoiselle remonta rapidement et ce fût notamment au retour de l’été 1971 que tout s’accéléra.

Elle avait occupé les deux mois passés dans la demeure familiale à expérimenter une potion. Solange comme toute gamine de son âge avait ses complexes et elle voulait arranger son visage, elle avait donc trouvé cette recette à base de pus de Bubobulb. Un peu de cette potion de Beauté à appliquer sur son visage et l’acné de la sorcière disparue, ses cils s’allongèrent, ses joues s’affinèrent et sa peau afficha un merveilleux teint un peu hâlé qui lui donna meilleure mine. A la rentrée, elle était comme métamorphosée et les charmes de la sorcière ne passèrent pas totalement inaperçus dans les couloirs de Poudlard. Elle devint rapidement une cible pour quelques sorciers romantiques.
Ainsi, Solange Fawley devint la malicieuse et vicieuse petite sorcière capable d’empoisonner une Desdémone Davies dans l’unique but de la rabaisser. Et ce fut durant cette période qu’elle commença à manifester un intérêt grandissant pour la magie noire, tandis que la guerre commençait à battre son plein. La cause des Mangemorts ne laissaient pas indifférents Solange et son  groupe d’amis qui ne tardèrent pas à se réunir, pour parler de leurs convictions et de leur toute récente foi en ce nouveau leader, le Seigneur des Ténèbres.

Eté 1976, Sweetlove House

La demeure des Fawley se trouvaient non loin de Godric’s Hollow, dans le sud-ouest de l’Angleterre. C’était un grand manoir qui appartenait à la riche famille de sang-pur depuis des générations. Solange, son frère et sa sœur y avaient été élevés tout comme leur père. Dans un petit salon, au premier étage de Sweetlove House, Solange recevait d’anciens proches camarades de Serpentard. Par terre, un corps ligoté gémissait.

« Qu’est-ce qu’on va en faire ? » S’enquit l’un d’eux. Solange regarda leur proie avec un sourire mauvais. Ils avaient capturé une certaine Holly Thermopolis, une sang-mêlée, ancienne élève de Serdaigle, qui avait été dans la même promotion que Solange et qui avait rejoint la Résistance à la fin de ses études. La Fawley avait exactement prévu ce qu’ils comptaient lui faire. Elle regarda ses compères et explosa de rire tandis qu’elle pointait sa baguette sur le corps de la jeune femme : « A votre avis ? Un petit sortilège Doloris, vous en dites quoi ? » On entendit une Holly bâillonnée pousser des cris effrayés. Ils étaient jeunes mais la guerre pour eux représentaient un nouveau mouvement dans lequel ils s’identifiaient, ils voulaient prendre part à la cause des Mangemorts et ainsi quand l’un d’eux leur avait demandé de capturer une née moldue et de la torturer pour prouver leur engagement pour le Seigneur des Ténèbres, ils avaient tout de suite pensé à la jeune Thermopolis. « Endoloris ! » S’écria Solange sans plus tarder. On vit le corps de Holly se tortiller et ses gémissements se faire encore plus forts qu’ils ne l’avaient été jusqu’ici. Solange sentit comme une bouffée d’excitation et d’adrénaline s’emparer d’elle, mais malgré son envie de continuer, elle s’arrêta pour laisser en profiter ses amis. Le manège dura un long moment, les jeunes sorciers lui infligeaient le sortilège impardonnable à tour de rôle, avant qu’une porte s’ouvre à la volée dans le petit salon tandis que c’était le tour de Solange.

« Qu’est-ce que vous faites ? » Clama une voix d’homme que la sorcière connaissait bien. C’était son père, et celui-ci ne semblait pas prendre le même plaisir qu’eux à regarder le spectacle de ce corps impur en train de souffrir. « Solange ! Tu es complètement folle ! » Aussitôt, il sortit sa baguette et lança un sortilège de Désarmement à sa fille. Il se précipita pour voir si la sang-mêlée était toujours vivante et sembla rassuré de sentir son pouls sous ses doigts. Il se releva et fonça d’un coup sur Solange pour la gifler.
La sorcière ne sut jamais comment il s’était débrouillé pour emmener Holly à Sainte-Mangouste sans se faire soupçonner. L’incident resta secret, on ne pouvait pas ternir la réputation des Fawley qui s’étaient toujours tenus à l’écart des débats sur la qualité de sang. Que l’une d’eux ait voulu prouver son engagement aux idées de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom était une véritable honte, ce que son père ne cessait répéter. Quant à Holly Thermopolis, elle ne quitta jamais Sainte-Mangouste, le sortilège impardonnable l’ayant rendue complètement folle. Elle était restée au moins trente minutes sous l’emprise du sort. On ne trouva jamais les responsables.

Octobre 1981, Hôpital de Sainte-Mangouste

Alors, comme ça, le Seigneur des Ténèbres était tombé. Solange n’eut aucune réaction lors de l’annonce de la nouvelle, un de ses collègues avaient débarqué dans le laboratoire et s’était crié avec une joie immense : « Il est mort ! Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom est tombé ! » Il y eut beaucoup de mouvement suite  à cette annonce, mais de son côté, la Fawley ne dit rien, elle s’était contentée de sourire légèrement face à ces sorciers impurs en délire.
Depuis son arrivée en tant que Chercheuse en médecine magique, elle n’avait jamais émit aucune indication quant à ses idées politiques, son père lui avait strictement interdit de prendre part à ce genres de débats et Solange avait beau avoir maintenant 24 ans, elle se pliait toujours à l’autorité paternelle.

Depuis des semaines, elle travaillait sur une potion qui aiderait à soigner les victimes du sortilège de Doloris qui perdaient la boule. C’était un comble. Elle voyait cela comme un moyen de se repentir et en même temps cela la dégoûtait. Elle avait grandi depuis cet été 1976, elle n’était plus la même gamine qui vouait une admiration sans pareil pour le grand mage noir, mais elle n’avait jamais cessé de croire en la souveraineté de son sang. La chute du Seigneur des Ténèbres ne lui provoqua aucune joie, elle sut que bientôt on chercherait à emprisonner tous les Mangemorts qui avaient participé à la guerre, et elle craignait que quelqu’un se penche sur le cas d’Holly Thermopolis. Elle savait qu’on n’allait pas l’épargner, quand bien même cela s’agissait d’une erreur de jeunesse.